Ce prototype, créé par qargo en 2022, incarne une démarche pionnière dans l’œuvre de l’artiste, un tournant où l’esthétique plastique et l’innovation technologique convergent. Ce premier exemplaire, construit à partir de 5 000 à 7 000 briques Lego, pose les bases d’une série qui s’affinera au fil des années, tant sur le plan technique que conceptuel, avec des œuvres contemporaines utilisant désormais jusqu’à 90 000 briques. À l’époque, l’ambition était de matérialiser le QR code dans sa forme la plus pure, un objet en trois dimensions dont la fonction se prolonge au-delà de la simple observation.
Contrairement aux qargo plus récents, où une double face allie un personnage inspirant sur l’avant et un QR code au dos, ce prototype se concentre uniquement sur la puissance visuelle et symbolique du code. Le QR code, ici parfaitement représenté en Lego, ne sert pas seulement de portail vers le numérique, mais devient l’œuvre elle-même, inscrivant une nouvelle dimension dans l’art interactif. Une fois scanné, ce code renvoie à la Pixel Tower, une création réelle elle aussi réalisée en Lego, mais dissimulée sous le QR code et donc invisible aux yeux du public et accessible uniquement sur cette page ci-dessus. Cette tour, hommage à l’endroit même où l’artiste découvrit l’invention révolutionnaire du QR code par Masahiro Hara en 2018, s’inscrit dans la continuité du dialogue entre Art et technologie. Elle matérialise cette idée que l’œuvre, bien qu’existant physiquement, n’acquiert sa pleine visibilité qu’à travers l’interaction numérique. Ce procédé, à la frontière entre le visible et le caché, ancre l’œuvre dans une dimension presque métaphysique de l’art contemporain.
Sur le plan esthétique, les choix de couleurs sont minutieusement pensés. Le noir profond du fond, ponctué par des carrés cyan, dialogue avec la modernité de l’architecture et la rigueur des systèmes numériques. Le QR code blanc, épuré, se détache avec une précision presque clinique sur ce fond sombre, évoquant à la fois la lisibilité du code et la clarté d’une invention conçue pour transcender le monde physique. Cette tension entre le noir, symbole de l’infini et du numérique, et le blanc, marqueur de l’information, amplifie le caractère dual de l’œuvre. Les touches de cyan, elles, rappellent les codes de l’innovation technologique et l’esthétique contemporaine, tout en insufflant une dynamique visuelle à cette structure statique.
Au verso, le minimalisme atteint son paroxysme : un fond entièrement noir où se détache un seul Lego blanc, marquant la signature de l’artiste. Ce geste, discret mais chargé de signification, fait écho à une forme d’introspection. Ce n’est qu’à travers cet unique élément que l’artiste laisse une trace tangible de son intervention, tout en laissant planer une absence d’Easter egg, qui ne fera son apparition que dans les créations futures.
Ce qargo inaugural résiste au temps non seulement comme une œuvre pionnière, mais aussi comme une déclaration sur la nature même de l’art dans l’ère numérique. Il explore les frontières entre le matériel et le digital, le visible et l’invisible, interrogeant le spectateur sur son rôle actif dans la révélation de l’œuvre. À la fois sculpture et portail, ce qargo s’impose comme une figure centrale de l’art interactif contemporain, mêlant innovation technologique, complexité esthétique et profondeur conceptuelle.